Familia grande de Camille Kouchner

« Vous avez été victime d’un crime, monsieur. J’ai écouté ce que vous m’avez raconté, votre affaire est très claire […] votre beau-père est coupable et il devrait être en prison. » Ce sont les mots que les pénalistes ont prononcés à Victor, ces mots que Camille a tenté de mettre sur le lourd secret qu’elle partageait avec son frère jumeau, ces mots qu’elle n’a jamais été en capacité de prononcer… ces actes qu’elle n’a pas pu, qu’elle n’a pas su dénoncer… mais comment dénonce-t-on les gens qu’on aime au juste ? Comment fait-on voler en éclat la familia grande ?

Camille Kouchner est la fille de Bernard Kouchner et de Evelyne Pisier. Elle livre dans un difficile exercice cathartique le secret qui n’a cessé de la hanter depuis ses 14 ans : les agressions sexuelles dont son frère jumeau, Victor, a été victime, de la part de leur beau-père, dont elle ne citera jamais le nom.  Elle pose le contexte familial, des hommes et femmes de pouvoir, de grands intellectuels de gauche, le monde des idées révolutionnaires, le féminisme des sœurs Pisier, le divorce de Bernard et d’Evelyne et l’arrivée du lumineux beau-père. Qu’est-ce qu’elle l’aimait son beau-père, son aura, sa transmission culturelle et intellectuelle, il avait en quelque sorte, remplacé son père absent… Elle conte peu à peu la vie de la familia grande, les vacances à Sanary, les idéaux, la fête, la démesure et bientôt l’intolérable. Point par point, elle met en évidence les carences, les manquements et les failles éducatives de ses parents.

L’autrice met parfaitement en exergue l’hypocrisie de cette gauche libertaire et révolutionnaire, qui n’a pas mis très longtemps à se transformer en gauche caviar ne servant que ses propres intérêts ! Malgré tout, elle l’aimait tant sa famille ! Cette mère inconséquente, si fragile, comment pouvait-elle rompre l’équilibre ? Victor qui se terrait dans le silence, ne souhaitant rien d’autre que d’oublier… Autant d’arguments qui sont venus nourrir année après année sa culpabilité.

Et puis un jour, de nouveaux enfants, sa fille, son fils, ses neveux et nièces, il fallait les protéger eux ! Il fallait briser l’Omerta. En quatrième de couverture : « Souviens-toi, maman : nous étions tes enfants. » Le lecteur le perçoit comme un cri de désespoir : maman, c’était toi le parent, tu aurais dû nous protéger…