Comédie, Comédie dramatique
- La Bonne épouse / Martin Provost
- Play / Anthony Marciano
- Selfie / Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Vianney Lebasque, Cyril Gelblat
La Bonne épouse / Martin Provost (Comédie, 2020)
Synopsis : Tenir son foyer et se plier au devoir conjugal sans moufter : c'est ce qu'enseigne avec ardeur Paulette Van Der Beck dans son école ménagère. Ses certitudes vacillent quand elle se retrouve veuve et ruinée. Est-ce le retour de son premier amour ou le vent de liberté de mai 68 ? Et si la bonne épouse devenait une femme libre ?
Analyse : Le réalisateur Martin Provost (Séraphine (2008), Où va la nuit (2011) ou encore Sage-Femme (2017) livre ici une comédie au ton léger pour traiter d’une réalité historique française pas si éloignée de nous…(les écoles ménagères pour « former » les jeunes filles en parfaites fées du logis, aptes à satisfaire tous les désirs de leurs maris dans la France catholique des années 1960).
Il met en scène un beau trio d’actrices : Juliette Binoche campe Paulette, la directrice de l’institution qui la dirige avec poigne, efficacité, mais qui se montre dès le début du film docile face un époux plus âgé campé par François Berléand (les scènes du début nous dévoilent d’ailleurs une épouse peu épanouie dans son mariage). À la mort subite de celui-ci, elle se rend compte qu’en piètre gestionnaire qu’il était, il n’aura laissé que des dettes à son épouse et à sa sœur, interprétée par Yolande Moreau, une vieille fille toujours à la recherche du grand amour qui vit auprès de son frère et de sa belle-sœur au sein de l’école ménagère.
Mais plutôt que de se laisser aller au désespoir, Paulette se retrousse les manches et décide de prendre son destin en main et de l’affronter. Elle se révèle à elle-même en tant que femme libre et indépendante, ce qu’elle n’a jamais su être pendant les années passées auprès de son époux.
Noémie Lvovsky est une nonne tyrannique et dominatrice au début de l’intrigue, mais qui s’avère au final plus sympathique que ce qu’elle laissait paraître. Elle se range progressivement du côté de l’émancipation aux côtés de Paulette et de sa belle-sœur.
Le film aurait peut-être mérité d’être plus explicite dans certains de ses propos, s’égare peut-être un peu en chemin (la romance naissante entre Paulette et son banquier qui était amoureux d’elle depuis longtemps est-elle nécessaire à l’intrigue ?), certains personnages auraient mérité d’être un peu plus étoffé, notamment ceux des jeunes filles interprétées avec justesse par de jeunes actrices inconnues (Anamaria Vartolomei en tête). Cette jeune fille au fort tempérament veut vivre son amour librement avec l’une de ses camarades et elle n’a pas peur d’assumer son homosexualité à une époque où il n’était pas de bon ton de le revendiquer.
Le final, peut-être un peu trop grandiloquent ? (il plaira surtout aux amateurs de comédies musicales).
Mais dans l’ensemble, La Bonne épouse tient ses promesses : être une comédie légère et pétillante et teintée de nostalgie pour ceux qui ont connu la fin des années 1960 en France (Joe Dassin, Adamo imprègnent certaines scènes) et à retranscrire tout le paradoxe d’une époque à la veille de mai 68 qui flirte aussi bien avec la joyeuseté et la naïveté des Trente Glorieuses qu’avec le sexisme et le machisme ambiant (les femmes, éduquées pour être de bonnes ménagères ? Absurde pour les jeunes générations du 21ème siècle !).
Un film frais porté par ses actrices qu’il est plaisant de visionner aujourd’hui pour se plonger dans l’instantané d’une époque révolue mais pas si lointaine que ça...
Play / Anthony Marciano (Comédie, 2019)
Synopsis : En 1993, Max a 13 ans quand on lui offre sa première caméra. Pendant 25 ans il ne s'arrêtera pas de filmer. La bande de potes, les amours, les succès, les échecs. Des années 90 aux années 2010, c'est le portrait de toute une génération qui se dessine à travers son objectif.
Analyse : Deuxième collaboration entre le réalisateur Anthony Marciano et le comédien Max Boublil après Les Gamins (2013), le film se veut être une plongée nostalgique dans les années 90.
Play est une comédie assez touchante et sincère dans son approche. L’une de ses forces réside dans le cœur même de sa mise en scène, le « found footage » : l’action est filmée par un personnage central à travers un dispositif numérique (camescope, téléphone portable etc). Style du film amateur qui porte en son cœur les problématiques adolescentes et jeunes adultes (relations amicales, amoureuses, les choix à faire, heureux ou malheureux etc…). Après six mois d’essais caméra (contrairement à quelques jours sur un tournage normal), l'équipe du film a trouvé une combinaison de caméras et de passages sur bande qui permettait à la fois d’avoir un contrôle sur ce qui était tourné et d’obtenir un résultat strictement similaire aux caméscopes des années 90/2000. Pour les époques suivantes, il a été plus facile de simuler des images de caméscope HD ou d’iPhone. Le montage son a aussi représenté un gros travail, le travail réalisé devant donner l’illusion de prises de captation « amateur ».
Anthony Marciano livre un joli film sur le passage de l’enfance à l’âge adulte, sur les choix à faire, sur la notion d’amitié et d’amour. Le film se veut générationnel sur une période de vingt-cinq ans et véhicule des épisodes forts de notre histoire récente (par exemple, on voit les personnages s’amuser en juillet 1998 lors de la finale de la Coupe du monde de football) et on prend un certain plaisir à replonger au début des années 2000 et des débuts de la technologie vidéo sur téléphone portable.
Le film est porté par sa galerie de jeunes acteurs et actrices impliquées (citons entre autres Alice Isaaz ou Malik Zidi).
Le genre du « found-footage » est depuis quelques années prisé dans le domaine de l’horreur (depuis le succès du film américain indépendant Le Projet Blair Witch en 1999, on ne compte plus le nombre d’intrigues effrayantes filmées du point de vue des protagonistes afin de renforcer le sentiment de peur, on pense par exemple à l’espagnol REC de Paco Plazza et Jaume Balaguero en 2008 ou au plus proche de nous Night Shot de Hugo Konig réalisé en à peine une semaine en 2020). Il est donc bienvenue de voir ce sous-genre au sein d’une comédie française qui remplit son cahier des charges en nous livrant une comédie habilement rythmée.
Selfie / Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Vianney Lebasque, Cyril Gelblat (Comédie, 2020)
Synopsis : Dans un monde où la technologie numérique a envahi nos vies, certains d'entre nous finissent par craquer. Addict ou technophobe, en famille ou à l'école, au travail ou dans les relations amoureuses, "Selfie" raconte les destins comiques et sauvages d'Homo Numericus au bord de la crise de nerfs...
Analyse : La genèse de cette comédie est née du désir du co-producteur et co-scénariste Julien Sibony de raconter un « vertige numérique d’aujourd’hui dans lequel on puisse reconnaître à la fois une certaine modernité de la bêtise et des thématiques intemporelles, comme le désir, la rencontre amoureuse, la famille, etc… » en signant une comédie grinçante sur le monde numérique.
Le film se compose de cinq sketchs réalisés chacun par un réalisateur différent (Tristan Aurouet, Thomas Bidegain, Marc Fitoussi, Vianney Lebasque et Cyril Gelblat).
Au rythme des histoires, les acteurs et actrices Manu Payet, Max Boublil, Elsa Zylberstein ou encore Blanche Gardin vont se passer le relais d’une époque narcissique en incarnant des personnages rendus esclaves des technologies et devenant le jouet de situations farfelues.
Même si les différents sketchs sont inégaux qualitativement, on salue tout de même la prouesse d’écriture de certains dialogues ainsi que l’originalité de la thématique qui ose proposer une vision grinçante de nos rapports aux technologies numériques et à la notion de narcissisme que cela implique.