Thriller

Un thriller américain, un thriller français, deux atmosphères pesantes...

 

  1. Antebellum / Gerard Bush & Christopher Renz
  2. Les Apparences / Marc Fitoussi

 

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Antebellum / Gerard Bush & Christopher Renz (2020)

Synopsis

L'auteur à succès Veronica Henley se retrouve projetée dans le XIXème siècle esclavagiste et doit percer le mystère de ce voyage vers le passé pour s'en échapper avant qu'il ne soit trop tard...

Analyse

Premier film du tandem Gerard Bush et Christopher Renz produit par Sean mcKittrick (producteur de l’excellent Get Out de Jordan Peele). Les réalisateurs ont été influencé aussi bien par le Autant en emporte le vent de Victor Fleming que par le style scénaristique de M. Night Shyamalan. L’idée du film est venue à l’esprit du réalisateur Gerard Bush suite à l’un de ses cauchemars mettant en scène une jeune femme prénommée Eden confrontée à un épisode épouvantable. Le scénariste réalisateur a gardé le prénom pour sa protagoniste et a tenu à injecter dans son histoire la problématique du racisme à l’encontre de la population afro-américaine depuis l’époque de l’esclavage.  
L’actrice Janelle Monae (Moonlight de Barry Jenkins), trente-cinq ans, incarne Eden, la jeune autrice confrontée à un évènement étrange et inexplicable – du moins jusqu’au dénouement de l’intrigue – qui la confronte à l’esclavage dans une plantation de coton du Sud. Elle-même militante dans la vie, elle tenait à camper ce rôle de femme forte confrontée à la violence d’un racisme hélas encore ancré dans la société américaine actuelle.

Le tournage du film eut lieu dans une véritable plantation (Evergreen, sur la rive ouest du Mississippi en Nouvelle-Orléans), ce qui confère au film une dimension réaliste.

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Les Apparences / Marc Fitoussi (2020)

Synopsis

Vienne, ses palais impériaux, son Danube bleu et... sa microscopique communauté française. Jeune couple en vue, Eve et Henri, parents d'un petit Malo, ont tout pour être heureux. Lui est le chef d'orchestre de l'Opéra, elle travaille à l'Institut français. Une vie apparemment sans fausse note, jusqu'au jour où Henri succombe au charme de l'institutrice de leur fils.

Analyse :

Karin Viard excelle une fois de plus dans un registre sombre et dramatique après sa prestation dans l’excellent Chanson Douce de Lucie Borleteau (2019).
Eve est une femme accomplie et ambitieuse qui s’est installée avec son mari et leur fils adoptif à Vienne, capitale raffinée haut lieu de l’élégance artistique, lui est un brillant chef d’orchestre de renommée mondiale, elle dirige une bibliothèque à l’Institut français, ils ont réussi et ont de l’argent. En clair, tout semble aller pour le mieux. Néanmoins, le film lorgne dans un registre cynique et rappelle l’esprit "chabrolien" à bien des égards : peinture corrosive d’un milieu bourgeois replié sur lui-même à travers ses personnages de quadras « bien sous tout rapport » qui au final semblent cacher bien des secrets ; le film se revendique comme un thriller puisqu’il y est de question de mensonges, de sexe et de meurtre.
Les décors intérieurs des riches demeures sont clinquants, ils brillent, sont lumineux, très artificiels mais le spectateur sent d’emblée dès les premières minutes du film que ça sonne faux ; en outre, cette quasi perfection est dérangeante, ce que Marc Fitoussi parvient à retranscrire par le biais de sa mise en scène.
Une scène clé du film intervenant au tout début nous montre Eve chercher son mari dans le dédale d’un riche appartement d’une de ses amies. Elle grimpe des escaliers plongés dans la pénombre, pénètre dans des espaces clos plongés dans le noir et finit par trouver Henri au téléphone de l’autre côté d’une baie vitrée, comme s’il se cachait. Bien qu’elle n’entende pas sa conversation, Eve semble perplexe : en effet, pourquoi un sourire radieux inonde son visage alors que peu de temps auparavant, il ne desserrait pas la mâchoire de tout le dîner ? Avec qui communique-t-il ? Le spectateur est à ce moment-là placé du même côté qu’Eve, il est le témoin d’une situation étrange dont il ne possède pas tous les éléments qui seront dévoilés de manière éparse durant l’intrigue. Le réalisateur nous dévoile peu à peu les secrets d’un couple qui semblait si bien derrière les apparences et progressivement, il fait basculer Eve dans la suspicion et la paranoïa. L’intrigue retorse intègre également un personnage inquiétant formidablement interprété par un jeune comédien autrichien.

Benjamin Biolay qui incarne Henry joue parfaitement le rôle du protagoniste peu sympathique voire carrément exécrable par moment. Eve, l’héroïne de ce thriller "chabrolien", est le pilier du film. Elle tente de démêler les fils d’une vie compliquée et parvient à faire la lumière sur certains épisodes de sa vie, parfois même au risque d’y laisser celle-ci... Le scénario est assez malin pour emmener le spectateur là où s’y attend le moins et pour l’impliquer au cœur d’une histoire qui se dévoile un peu plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Marc Fitoussi, plutôt habitué au registre comique (Pauline détective, La Ritournelle, la série Dix pour Cent), se positionne ici comme l’un des dignes héritiers de Claude Chabrol en nous dévoilant, sous le verni craquelé des apparences, une réalité cynique et peu reluisante à travers tout un dispositif de mise en scène qui renvoie aux codes du thriller : photographie nocturne de Vienne, éclairage tamisés des appartements et des lieux extérieurs comme le bar ou la chambre d’hôtel, ou encore des scènes de filature en voiture. 

Les Apparences s’inscrit comme un tour de force de la part de Marc Fitoussi, qui parvient à broder un scénario plus complexe qu'il n'y parait de prime abord. De plus, le talent d’actrice de Karin Viard compte aussi beaucoup dans la réussite du film, le spectateur ne sait plus vraiment comment la positionner au fur et à mesure de l’intrigue : victime, manipulatrice ?
Ce thriller est à conseiller aux amateurs du cinéma de Claude Chabrol et des thrillers français ambigus en général.