La carte postale d' Anne Berest

Nous  partons avec l’auteur à la découverte de ses origines, dans un roman où l’Histoire a façonné des destinées tragiques.

Ephraïm Rabinovitch est l’arrière grand-père d'Anne . En 1919, il quitte  avec sa famille la Russie devenue inhospitalière, pour tenter de s’enraciner en France. Socialiste révolutionnaire, il donne à ses enfants une éducation laïque et républicaine mais la deuxième guerre mondiale et ses lois antisémites provoque la disparition de la famille. Seule Myriam, la fille aînée, échappe à la déportation et c’est sa vie mouvementée que l’on découvre au fil du récit. Après la guerre, Myriam se tait. Jamais elle n’évoquera ni sa famille, ni ces années difficiles .

 Il a fallu des années de recherches minutieuses, recoupant documents et archives, compulsant photos, témoignages, lettres,  pour permettre à sa fille aînée Lelia de reconstituer son histoire. Un mystère demeure : qui a écrit cette carte postale que reçut Lelia en Janvier 2003, treize ans auparavant, et portant les noms des parents de Myriam, de son frère et de sa sœur, les chers disparus ? Anne et Lélia vont poursuivre les recherches, n’hésitant pas à se rendre dans le village où avait vécu la famille pour recueillir des témoignages, malgré le poids du silence qui enveloppe cette période peu glorieuse. Le mystère sera résolu tout à la fin du livre , nous laissant assez pantois.

Ce roman est une véritable enquête, et aussi un témoignage historique. La France sous l’Occupation est vécue de l’intérieur. Nous découvrons les événements  au rythme de leurs retentissements  sur la vie quotidienne. Les passages saisissants, comme le retour des déportés survivants, après la Libération, sont traités avec pudeur. Le ton est juste, descriptif, sans excès. L’émotion reste palpable. Cette famille dynamique nous charme par son absence de conformisme et sa vaillance. Anne Berest en vient à se demander ce que cela signifie aujourd’hui d’être juif, lorsque ça ne se voit pas, lorsque les noms de famille ont changé, lorsque l’enracinement est fait. Il reste l’héritage spirituel des ancêtres, ce qui ne se mesure pas, que l’on retrouve par hasard dans le choix des prénoms et des cursus professionnels .

C’est un livre grave qui traite  avec originalité un thème difficile et qui se lit passionnément.