Comédie, Comédie dramatique

 

De bien belles comédies dans cette sélection mettant la femme à l'honneur (Antoinette dans les Cévennes, Eva en Août) ou encore un classique du cinéma français le moins connu de son réalisateur (L'Argent de Poche)...À vous de choisir !

 

  1. Antoinette dans les Cévennes / Caroline Vignal
  2. L'Argent de Poche / François Truffaut
  3. Le Bonheur des uns.../ Daniel Cohen
  4. The Climb / Michael Angelo Covino
  5. Eva en Août / Jonas Trueba
  6. Parents d'élèves / Noémie Saglio

 

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Antoinette dans les Cévennes / Caroline Vignal (2020)

Synopsis

Des mois qu'Antoinette attend l'été et la promesse d'une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir - seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l'accompagner dans son singulier périple...

Analyse :

Caroline Vignal, scénariste et réalisatrice, n’avait pas tourné de long-métrage depuis vingt ans. Pour son retour après une aussi longue période, la réalisatrice livre une comédie fraîche et touchante portée par le talent de son actrice principale, Laure Calamy (la série Dix pour Cent, Mlle de Joncquières), par ailleurs lauréate du César de la meilleure actrice cette année.

Son personnage noue une belle relation avec l’âne Patrick qui l’accompagne lors de sa randonnée dans les Cévennes et la réalisatrice met en scène une belle complicité et amitié qui lie l’humain et l’animal, à défaut d’une relation amoureuse épanouie du personnage avec son amant Vladimir. En outre, Antoinette est la protagoniste d’un superbe récit initiatique où, de son périple à dos d’âne à travers la nature idyllique des Cévennes, elle va progressivement apprendre de ses erreurs pour ainsi apprendre à avancer dans la vie. Caroline Vignal signe un scénario ayant le mérite et l’intelligence de ne porter aucun jugement sur les choix de sa protagoniste – Antoinette est amoureuse d’un homme marié-, et toute la force du personnage repose sur sa manière de se dépatouiller d’une situation inextricable, toujours sur le ton de l’humour.  

Le film nous propose un beau trio d’acteurs principaux ; outre Laure Calamy, Benjamin Lavernhe (sociétaire de la Comédie Française) interprète Vladimir, l’amant d’Antoinette et papa d’une de ses élèves. Ni bon ni salaud, ce personnage est à l’égal d’Antoinette juste un être humain tiraillé par ses désirs, souvent maladroit, en clair, un être humain dans toute sa complexité. 
Olivia Côte interprète sa femme, personnage antinomique d’Antoinette. Une scène cocasse les met en scène toutes les deux lors de leur randonnée sur le fameux chemin de Stevenson qu’ils empruntent.

Antoinette dans les Cévennes fait également la part belle à des personnages secondaires attachants (le couple qui gère l’un des gîtes et dont la belle humanité réchauffe le cœur d’Antoinette au détour d’une scène touchante), voire carrément loufoque, comme l’un des touristes qui s’avère d’une maladresse et d’une bêtise infinie !

Les Cévennes sont un personnage à part entière du film, entourant les protagonistes de sa beauté sauvage et aride et les confrontant au plus profond de leur humanité. Certaines scènes se situent même à la lisière du conte et de la féérie comme lorsque Antoinette se réveille entourée d’animaux sauvages après avoir passé une nuit à la belle étoile avec son âne parce qu’elle a perdu son chemin ; voir également la scène de retrouvaille entre Antoinette et son amant au petit matin dans un décor idyllique qui renvoie à une peinture.
La beauté des paysages nous rappelles les décors grandioses et sauvages du western ou du film d’aventure américain, apportant une touche originale dans le paysage cinématographique français (qui a ainsi la bonne idée de s’éloigner de Paris !).

Le défi pour la réalisatrice et l’actrice Laure Calamy était de faire en sorte que le spectateur ressente que Patrick est bel et bien un personnage à part entière, et non un animal ordinaire ; la manière dont Caroline Vignal le filme dans le cadre et la façon dont l’actrice communique avec lui suffisent à nous rendre ce personnage animal absolument touchant. Deux ânes ont été choisis pour incarner Patrick, l’un s’avérant vif pour les scènes impliquant du mouvement et des cascades tandis que le second était plus calme et plus expressif pour les scènes d’émotion. À l’écran, les deux ânes se confondent si bien que nous n’avons pas l’impression qu’il y en a deux ! 

Antoinette dans les Cévennes est un récit initiatique savoureux qui prône des valeurs diverses comme la communion de l’être humain avec la nature et l’amitié sincère et profonde de deux êtres que tout oppose. Laure Calamy est géniale et attachante dans son rôle de femme forte et moderne loin d’être parfaite, mais qui réveillera bien des choses en nous dans la mesure où le spectateur peut facilement s’identifier à elle grâce à sa crédibilité.
Une comédie rafraîchissante qui nous procure un bien fou, à découvrir absolument !

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L'Argent de Poche / François Truffaut (1976)

Synopsis

Le doux piaillement des enfants, qui rient et qui jouent, fait vibrer les rues ensoleillées du village de Thiers. La plupart d'entre eux ont pour principal souci la découverte de l'écriture ou des premiers émois amoureux. D'autres doivent affronter une réalité plus sombre.

Analyse :

François Truffaut est un cinéaste de l’enfance par excellence. Son premier court-métrage Les Mistons qu’il réalise en 1957 a pour vedette une bande d’enfants. Deux ans plus tard, il signe l’un des films précurseur du cinéma de la Nouvelle Vague avec Les 400 Coups ayant comme vedette Antoine Doinel, adolescent de quinze ans et alter-ego du cinéaste qui évoque son adolescence rebelle. En 1970, L’Enfant Sauvage relate l’histoire de Victor de l’Aveyron, un enfant retrouvé à l’état sauvage dans une forêt. Truffaut y interprète le docteur Itard, le seul à croire en la possibilité d’une éducation pour cet enfant que tout le monde autour de lui considère comme un animal.

Avec L’Argent de Poche réalisé en 1976, François Truffaut dessine un joli portrait d’une enfance provinciale en plein centre de la France (la ville de Thiers en Auvergne) à la veille du passage à l’école mixte. Après une série d’épisodes collectifs montrant entre autre la bande d’enfants déambuler dans la ville de Thiers, découvrant avec joie ses premiers émois amoureux, et avec malice la faculté de manipuler ses parents, le film s’attache plus particulièrement à deux enfants, Patrick amoureux de la mère d’un de ses copains et qui connaîtra son premier amour en colonie à la fin du film, et Julien au destin plus tragique qui s’avère être un enfant battu. Dans les personnages d’adultes, l’instituteur Monsieur Richet interprété par Jean-François Stévenin (alors fidèle assistant mise en scène de Truffaut) est à la fois le porte-parole du réalisateur lors d’un discours vibrant sur le droit des enfants et la figure de l’homme devenant père, un père nouvelle génération, impliqué et bienveillant envers son bébé. Sous l’apparence de la légèreté, le film aborde des sujets chers à Truffaut : l’enfance maltraitée et la naissance du désir.

Le film se déroule quasi essentiellement à hauteur d’enfants. On les suit dans leur quotidien, à l’école, dans la cour, dans les rues de Thiers, au dîner chez leurs parents ou encore dans une salle de cinéma (lieu ô combien important pour François Truffaut qui y trouvait régulièrement refuge durant sa jeunesse…).
Le jeune instituteur interprété par Jean-François Stévenin nous fait beaucoup penser au maître d’école Mr Pascal campé par Bertrand Blier dans L’école buissonnière réalisé par Jean-Paul Le Chanois en 1948. Jeune, l’esprit moderne et bienveillant à l’écart des enfants, il incarne une nouvelle génération d’instituteurs qui marque une rupture avec les anciennes méthodes éducatives.

L’Argent de poche est une comédie dramatique savoureuse qui, malgré un sujet difficile en arrière-plan (l’enfance maltraitée), vise toujours à l’optimisme et dont le génie de François Truffaut à diriger des enfants avec naturel est incontestable. Un film qui régalera toute la famille.

 

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Le Bonheur des uns.../ Daniel Cohen (2020)

Synopsis

Léa, Marc, Karine et Francis sont deux couples d'amis de longue date. Le mari macho, la copine un peu grande-gueule, chacun occupe sa place dans le groupe. Mais, l'harmonie vole en éclat le jour où Léa, la plus discrète d'entre eux, leur apprend qu'elle écrit un roman, qui devient un best-seller. Loin de se réjouir, petites jalousies et grandes vacheries commencent à fuser. Humain, trop humain ! C'est face au succès que l'on reconnait ses vrais amis... Le bonheur des uns ferait-il donc le malheur des autres ?

Analyse

Le Bonheur des uns… marque les retrouvailles entre François Damiens et Florence Foresti quatorze ans après la comédie franco-belge Dikkenek réalisé par Olivier Van Hoofstadt.
Le film navigue entre plusieurs tons. Se présentant au début de l’intrigue comme une comédie voire un vaudeville, son ton devient de plus en plus cruel à mesure que se développe la jalousie des personnages à l’encontre de Léa interprétée par Bérénice Béjo. Le réalisateur Daniel Cohen a ainsi cherché à respecter le principe de la comédie mais en la teintant de choses plus graves, comme ce principe de la "zone d’aveuglement" dont parle le personnage campé par Florence Foresti.

Le film est assez inégal dans le traitement de ses personnages, certains dialogues tombent à plat et les acteurs semblent peu impliqués ou en font des tonnes… mais le film se laisse quand même regarder jusqu’à la fin, la curiosité nous pique de savoir comment cette histoire d’amitié va évoluer jusqu’au dénouement.

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The Climb / Michael Angelo Covino (2020)

Synopsis

Kyle et Mike sont deux meilleurs amis aux tempéraments très différents mais dont l'amitié a toujours résisté aux épreuves de la vie. Jusqu'au jour où Mike couche avec la fiancée de Kyle. Alors que l'amitié qui les lie aurait dû être irrémédiablement rompue, un événement dramatique va les réunir à nouveau.

Analyse : 

The Climb est d'abord un court métrage du même nom (sélectionné à Sundance) né de la volonté du réalisateur Michael Angelo Covino  d'exploiter les qualités de comédien de son comparse Kyle Marvin. Le réalisateur avait en tête un long-métrage d’inspiration théâtrale mais possédant toutefois une esthétique stylisée. Amoureux de la France, elle représente également un lieu de fantasme pour Covino qui souhaitait y faire démarrer son intrigue. Ainsi, le film débute par une sortie cycliste entre les deux protagonistes Kyle et Mike dans un paysage montagneux du sud de la France. C’est pendant leur pédalage filmé en plan-séquence que Mike avoue à Kyle avoir couché avec sa fiancée. Suite à cet aveu, l’intrigue dépeindra l’évolution de cette relation amicale.

Le réalisateur et son acolyte avaient en tête comme références les films de François Truffaut, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Bertrand Tavernier ou encore Eric Rohmer. La volonté était de rendre hommage à ce cinéma d’un temps révolu, mais en l’incluant toutefois dans un cadre contemporain.

The Climb est une comédie douce-amère qui démarre son intrigue sur la fin d’une amitié et qui va progressivement réconcilier ses personnages plusieurs années après leur rupture, suite à un évènement dramatique. Michael A. Covino et Kyle Marvin, dont les protagonistes portent leurs prénoms, parviennent à développer une belle complicité à l’écran (comme à la ville) et nous offrent des échanges passionnants.

 

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Eva en Août / Jonas Trueba (2019)

Synopsis :

Eva, 33 ans, décide de rester à Madrid pour le mois d'août, tandis que ses amis sont partis en vacances. Les jours s'écoulent dans une torpeur madrilène festive et joyeuse et sont autant d'opportunités de rencontres pour la jeune femme.

Analyse :

Le réalisateur et scénariste espagnol Jonas Trueba avait réalisé Les Exilés Romantiques en 2015 (dont le film est présent sur le dvd bonus) et La Reconquista (2016). Eva en août est son cinquième long-métrage, l’un de ses plus poétique et abouti.
La protagoniste est une jeune femme de trente-trois ans, Eva, lumineuse comme le soleil d’été qui illumine la ville de Madrid où l’action se déroule. Elle est un personnage qui s’ancre dans le présent, évoluant avec lui, la caméra est omniprésente à ses côtés. Le choix de Jonas Trueba était d’occulter la moindre information liée à son passé ; ainsi, le spectateur ne sait quasiment rien de sa vie mais va prendre plaisir à la suivre dans la capitale espagnole pendant les premiers jours du mois d’août, saison de l’année caractérisée par des fêtes typiques de la ville se déroulant à travers trois quartiers populaires. Le film est pensé comme un dialogue entre la jeune femme et la ville, qui se manifeste ici comme un personnage à part entière : un personnage vivant, festif, qui s’ancre dans une dynamique perpétuelle, telle qu’on peut le ressentir dans les grandes métropoles.  

En tant que scénariste et dialoguiste, l’écriture des dialogues était primordiale pour lui. La structure d’Eva en août a été écrite à quatre mains, avec l’aide d’Itsaso Arana, l’actrice qui incarne Eva. Celle-ci a pu insuffler sa sensibilité féminine au personnage et la rendre attachante aux yeux du spectateur.
Leur méthode d’écriture était de faire l’inverse du Rayon Vert, d'Eric Rohmer où celui-ci mettait en scène une jeune femme en souffrance du fait de sa solitude en période de vacances estivales ; ici, Eva fait le choix de rester à Madrid pendant l’été et son regard va peu à peu évoluer sur la ville. Tout comme les personnages rohmeriens, Eva va être amenée à faire des rencontres au fil du hasard et les échanges de dialogues nous paraissent écrits sur le vif, empli de la spontanéité si chère au cinéaste de la Nouvelle Vague française. Jona Trueba réussit à s’en imprégner tout en apportant sa propre sensibilité et son regard personnel sur son personnage central et sur sa mise en scène.
Une caméra toujours au plus près de l’actrice principale, mais jamais intrusive. Le film se caractérise par un équilibre entre scènes d’intérieur (comme celles du début où Eva prend ses marques dans son nouvel appartement où elle fait preuve d’un naturel éblouissant ; la scène dans la salle de cinéma où elle rencontre de futures amies ; la séance de magnétisme, fascinante !) et puis des scènes d’extérieur, comme la déambulation de la jeune femme dans les rues festives de la ville, son attrait pour la musique live (qui intéresse particulièrement le cinéaste, puisque les scènes liées à la musique irriguent sa filmographie), ou encore sa promenade jusqu’au musée.

Itsaso Arana prouve qu’elle est une grande actrice de sa génération. Solaire, le regard pétillant, empli d’humanité et de bienveillance, elle nous entraîne dans une belle déambulation estivale à travers Madrid et nous prenons plaisir à l’accompagner pendant environ deux heures. Jonas Trueba l’avait déjà fait tourner dans le très bon La Reconquista trois ans auparavant où elle campait la protagoniste Manuela, jeune adulte prise dans ses souvenirs amoureux de jeunesse.
Avec Eva en août, elle incarne une jeune femme libre et moderne qui observe le monde qui l’entoure. Sa rencontre avec Agos dans la dernière partie est particulièrement touchante, le comédien Vito Sanz qui prête ses traits au personnage avait déjà prouvé ses performances de comédien dans Les Exilés Romantiques du même réalisateur en 2015.  
Une idylle naissante dans le plus pur esprit rohmerien empli de sensibilité et de légèreté (et qu’est-ce que ça fait du bien !).

Jonas Trueba signe un film d’une fraîcheur bienvenue, lumineux au même titre que son actrice principale, qui enchantera les amateurs d’Eric Rohmer tout comme les amateurs d’un cinéma pétillant mettant à l’honneur un personnage féminin consistant et dénuée du moindre stéréotype. Un petit bijou de deux heures à découvrir absolument !

 

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Parents d'élèves / Noémie Saglio (2020)

Synopsis

Vincent, trentenaire sans enfant, infiltre une tribu aux codes et au langage mystérieux : les parents d'élèves. Se retrouver aux réunions parents-prof, aux sorties d'école et à la kermesse de fin d'année relève d'un sacré exploit ! Mais voilà, Vincent a une très bonne raison d'être là et finit même par se sentir bien dans cette communauté un peu spéciale.

Analyse :

La réalisatrice Noémie Saglio a réalisé la série Connasse pour Canal + ainsi que son adaptation au cinéma. Habituée aux comédies, elle poursuit dans ce registre avec Parents d’élèves qui met en scène un personnage central anticonformiste (Vincent, jeune homme sans attaches vivant un peu à contre-courant interprété par Vincent Dedienne) qui se fait passer pour le père d’un élève dont il est me baby-sitter afin de séduire la maîtresse d’école (interprétée par Camélia Jordana).

Cette comédie contentera les amateurs de comédies familiales légères.