Madame Pylinska et le secret de Chopin d'Eric E. Schmitt

Ce drôle de voyage initiatique d’Éric-Emmanuel Schmitt est sorti en 2018 et fait partie du Cycle de l'invisible qui comprend huit récits, indépendants les uns des autres, et  qui traite principalement des spiritualités.

Je dois dire que j’ai succombé au charme de ce petit livre plein de surprises, de pétillances de gourmandises de l’esprit que je vais essayer de partager avec vous. Tout commence par l’apparition d’un piano rébarbatif dont l’auteur ne peut rien tirer jusqu’à ce qu’un morceau de Chopin, joué par sa tante adorée le jour de ses neuf ans, le subjugue par la féérie et les sortilèges d’une onde séductrice. Sur les conseils de cette dernière il rencontre Madame Pylinska polonaise, professeure de piano très originale pour ne pas dire excentrique dont la pédagogie passe par des recommandations peu pianistiques ...seul Chopin trouve grâce à ses yeux. « Je suis monothéiste. Je n’aime qu’un compositeur : Chopin. »

Le premier cours, de ce voyage initiatique, commence d’ailleurs par une injonction atypique : “Couchez vous sous le piano», et , pour amener son élève à appréhender l’œuvre du compositeur franco-polonais, elle va l’envoyer au jardin du Luxembourg pour récolter la rosée du matin sur des fleurs, écouter le son du vent dans les branches d’arbre ou observer les ondes sur l’eau calme du bassin de la fontaine. Ajoutez à ça une araignée mélomane suspendue au-dessus de la pianiste qui rappelle la « bougie tressautant à chaque fortissimo » sur un piano pendant un concert (Du côté de chez Swann) ; et des chats nommés Horowitz, Rubinstein et Alfred Cortot…

L’évocation de ce petit bijou serait incomplet si je n’évoquais pas le  style qu’a pris Éric Manuel Schmitt pour décrire, entre autres, l’interprétation de Chopin par des pianistes médiocres, qui est d’une délicieuse drôlerie sous la  forme de la tirade du nez de Cyrano de Bergerac. Les mots, vraies friandises pour le lecteur émaillent le récit tout du long. Quant au secret de Chopin, vous le trouverez dans la transformation des leçons de musique  en  leçons de vie avec un sens de la légèreté permettant de mieux l’aborder... car à la place d’une analyse musicologique révélant des secrets de composition ou d’interprétation vous avez à faire à une traduction musicale de l’expérience sensorielle. D’ailleurs, après l’ultime expérience de devoir chanter bâillonné, l’auteur avoue : « mon corps devenait un instrument de musique, une clarinette au timbre plein que la paresse m’avait masquée jusqu’à ce jour. »

La quête du « secret » de Chopin lui aura finalement servi à trouver les ressources essentielles à son travail d’auteur… elle lui aura appris la vie et lui aura ouvert la porte de sa future vocation d’écrivain.